Il y a quelques années, j’avais fait deux ou trois croquis dans un carnet chinois : des formes autonomes, à caractère anthropomorphe, issues du répertoire de ma peinture.
C’était une idée non réfléchie, une rêverie, un vague projet qui m’était venu et que j’avais plus ou moins oublié. En 2008, alors que j’aménageais mon nouvel atelier, j’ai redécouvert ces dessins. Ils se sont alors faits insistants, persistant dans mes pensées.

Au printemps 2010, j’ai retravaillé l’idée, pensé sa réalisation, le 2 mars, Elisabeth terminait avec moi la fabrication de ces deux formes en bois qu’elle avait au préalable tournées.

Elles sont en bois d’essences qui poussent dans nos massifs: sorbier des oiseaux et chêne vert, merisier et noyer, ce n’est pas indifférent. Il n’est pas indifférent non plus que ce soit Elisabeth qui réalisa ces formes, au-dessus de « La Borne », sur la montagne Ardéchoise.
Au travers de déambulations et réalisations, là, ou ailleurs, dans d’autres gestes, il se passe qu’un territoire se pratique.
Ma pratique s’attache à des lieux, que j’aime connaître intimement. Y aller, recouvrer, étendre.
Paysage mental, paysage réel. Les deux formes sont de quelque part. Les pardessus que j’ai faits pour elles et avec elles sont aussi de quelque part. Les pardessus de lichen et de lainage arrivent du Puech Del Mont et de Tatula, m’y ramènent. Leur odeur, ha, leur odeur… C’est l’intime. Une forêt, un fond, un vraiment là, un dedans à l’envers, un espace ménagé.

J’ai coupé des anciennes peintures pour mes pardessus. Coupées/cousues elles se plient et se déplient. De ces anciens travaux viennent alors des formes nouvelles qui me semblent dans leur incongruité – une dépouille – permettre une échappée. Se créent d’autres creux au fond, une tranche se montre, une face se tourne, l’ombre réelle s’accroche. Il y a tout de même encore la possibilité de ne pas tout voir de ce que l’on regarde.

Décembre 2010

  • Elisabeth Molimard, tourneuse sur bois , Saint Laurent les Bains.